L’Afrique face à la révolution de l’intelligence artificielle : une nécessité stratégique

L’Afrique face à la révolution de l’intelligence artificielle : une nécessité stratégique

L’émergence de l'intelligence artificielle (IA) pour le grand public – avec, entre autres, ChatGPT et son concurrent en open source DeepSeek – ainsi que les mises à jour toujours plus puissantes les unes après les autres, ont mis en lumière le potentiel transformateur de l’IA pour l’humanité. Elle est déjà une révolution et s’imposera dans presque tous les domaines. Les pays africains ne feront pas exception et devront intégrer rapidement les outils d’IA, au risque de rater cette quatrième révolution industrielle.

En intelligence artificielle, on distingue les pays producteurs, notamment les États-Unis, la Chine, et dans une moindre mesure la Russie, des pays consommateurs. Chez les deux leaders mondiaux, les États-Unis et la Chine, l’IA est en train de passer d’une utilisation limitée à une généralisation pour le grand public. La Chine a récemment commencé à connecter ses ministères, ses écoles et ses véhicules intelligents à DeepSeek. Aux États-Unis, plusieurs États commencent à étudier l’inclusion des outils d’IA dans leurs services publics. Les pays consommateurs ne sont pas en reste dans l’intégration de ces outils. Le retard accumulé par la majorité des pays africains n’est donc pas rédhibitoire.

L’IA peut aider les pays africains à relever les défis de développement auxquels ils sont confrontés. Dans le secteur de l’éducation, elle pourrait optimiser et personnaliser l’enseignement, pour une plus grande efficacité et une généralisation à moindre coût. Dans l’agriculture, l’IA pourrait contribuer durablement à résoudre la problématique de la sécurité alimentaire. Les services administratifs peuvent être automatisés pour plus d'efficacité. À titre d’exemple, l’IA peut contribuer à l’instauration d’un processus de passation de marchés plus juste et plus transparent, tout en réduisant la multiplication des commissions techniques. Elle permet également la simplification des procédures administratives pour les citoyens.

Dans le secteur de la santé, l’IA transforme déjà les pratiques en améliorant les diagnostics et les traitements. Elle pourra aussi grandement aider à généraliser l’accès aux soins. Dans le secteur minier, l’IA remodèle les pratiques traditionnelles en proposant des solutions qui améliorent considérablement l’efficacité tout en réduisant les coûts. Par conséquent, son introduction permettrait de réaliser d’importantes économies d’échelle, salvatrices pour les budgets des États africains.

Compte tenu de la place que prendra l’IA dans un avenir proche, son adoption par les pays africains est une nécessité stratégique. Certains, comme le Maroc, le Sénégal, le Rwanda et la Tunisie, ont déjà pris conscience des enjeux en adoptant des stratégies nationales d’intégration de l’intelligence artificielle.

Le retard souvent justifié du continent africain dans l’adoption des nouvelles technologies – qui nécessitent parfois des infrastructures physiques lourdes et coûteuses – ne s’applique pas nécessairement à l’IA. En effet, les solutions d’IA sont de plus en plus accessibles et abordables, et peuvent être déployées à des coûts relativement faibles. Néanmoins, des freins subsistent, notamment la mauvaise qualité de la connexion internet, qui empêche une utilisation efficace et généralisée de ces outils. S’ajoute à cela le déficit d’ingénieurs capables d’adapter et de déployer les outils d’IA, ainsi que le faible nombre de centres de données sur le continent.

L’intelligence artificielle, à défaut d’être adaptée, s’imposera à tous. Il est donc urgent que les pays africains prennent des initiatives afin d’intégrer cette révolution dans leurs réflexions stratégiques et leur planification. L’apport de l’IA pour l’humanité est indéniable, et nous devons nous en saisir pour relever les nombreux défis de développement auxquels sont confrontés les pays africains.

Khalil EL MOUNIR

Président de "Route de l'espoir"